Des artistes naïfs en Touraine

Fin 19ème et début 20ème siècles, des peintres, autodidactes, ne se connaissant pas, sont réunis malgré eux sous un seul et même étendard : « art naïf ». Pourquoi « naïf » ? Leurs peintures sont toutes figuratives. Leurs représentations sont simplifiées. Ils ignorent les règles classiques de la perspective, et n’ont pas de théorie commune.

Parmi ces artistes qui ont longtemps suscité le mépris,  la Touraine a été source d’inspiration pour deux d’entre eux.

Pépiéniriste, le renaudin André Bauchant vient à la peinture sur le tard à 46 ans, en 1919. Deux ans plus tard, il expose à Paris au Salon d’Automne. Tout de suite il est remarqué par le peintre Amédée Ozenfant et l’architecte Le Corbusier qui seront ses premiers acheteurs.

Ses thèmes de prédilection : scènes mythologiques, tableaux religieux, paysages, bouquets de fleurs, oiseaux, etc. Dès les années 20, il peint également de nombreux portraits de ses proches et de ses amis : son médecin, le père Camus jardinier, le père Gouraud… Le bouquiniste de Tours, Lebodo, dont la librairie se trouvait rue de Bordeaux.

En 1928, Jeanne Bucher organise dans sa galerie parisienne sa première exposition privée en montrant 75 toiles. André Bauchant est l’artiste que la galeriste a le plus souvent exposé régulièrement ; elle ira jusqu’à Londres faire sa promotion.  

La même année, Serge Diaghilev lui commande les décors d’un ballet de Stravinsky, Apollon musagète. Les costumes sont de Coco Chanel, Serge Lifar en est le danseur étoile. La première a lieu au théâtre Sarah Bernhardt.

Les expositions se multiplient à travers le monde et il peut enfin vivre de son art.

Lorsque Dina Vierny ouvre sa galerie en 1947, elle montre les toiles de Bauchant avec celles des peintres abstraits. Jusqu'à la mort de l’artiste en 1958, elle lui rend régulièrement visite à Auzouer-en-Touraine. Le peintre lui dédie l’œuvre Bouquet pour Dina, en 1957, année où il lui cède son fonds d’atelier. On estime à deux mille le nombre de ses œuvres.  

Enfant, Ferdinand Desnos, naît à Pontlevoy (à côté de Montrichard), fabrique ses propres couleurs et dessine avec frénésie, encouragé par sa mère. Dès 1919, à 18 ans, ses premières huiles sur toile – des scènes et paysages de campagne – sont empreintes de sentiments mélancoliques que lui inspire la lumière tourangelle.

Alors qu’il vit à Paris, exerçant divers métiers, le critique d’art Fritz-René Vanderpyl lui présente Apollinaire, Max Jacob, Picasso…, le fait exposer en 1931 au Salon des Indépendants et quelques années plus tard, à la galerie Boétie. Exposition reprise à Blois, puis au musée de Tours et à la mairie de Pontlevoy.

Le peintre voue une véritable passion pour les chats qu’il partageait avec Paul Léautaud, figure emblématique de son œuvre et immédiatement reconnaissable.

L’année 1945, Desnos est affecté par deux deuils successifs qui lui inspirent deux œuvres : la mort de son frère, réalisée le 8 mai, jour de la victoire, et la mort de son cousin, le poète surréaliste Robert Desnos.

Puis un nouveau style apparaît. De sa palette de couleurs – utilisées telles qu’elles sortent du tube – surgissent des paysages de sa Touraine natale, des scènes d’inspiration mythologique, animalières, des portraits, des compositions religieuses, mais aussi la mort, illustrée sur de grandes toiles telles que L’Épouvantail, un pantin mort qui joue au vivant.

Après une vie instable et de misère, Ferdinand Desnos décède en 1958 à l’âge de 57 ans, laissant une œuvre de près de huit cents tableaux. 

 

Image d'illustration :

"Le Jardinier dans les fleurs" huile sur panneau d'André Bauchant

Ce tableau est un carton de tapisserie tissée à Aubusson. C'est un autoportrait. André Bauchant s'est représenté au milieu d'un tapis de fleurs. A droite, sa maison natale située autrefois au n° 8 de la rue Marceau. A gauche le bassin de sa maison des Tourneboeufs, au fond la ville de Château-Renault.

Autour du tableau, une frise de fleurs et en bas une bordure de lierre “Gloire de Marengo” à feuilles triangulaires panachées de blanc.

 

Chronique écrite par Muses de l'Hart