Le tuffeau, une autre histoire du Val de Loire

Lors de la visite des « grands monuments » du Val de Loire, le passager de l’Histoire découvre de sublimes bâtiments dont la pureté blanche laisse rêveur et peut faire naître un certain nombre d’interrogations, tout à fait justifiées. Cette pureté vient de la pierre de tuffeau.

 

Le tuffeau, un calcaire blanc

Le tuffeau est une pierre calcaire qui résulte d’un tassement de sédiments (matières transportées par l’eau dont d’éventuelles espèces organiques fossilisées) aquatiques, la Loire n’y est dont pas tout à fait étrangère, elle va finalement nourrir ses constructions. Cette pierre pourrait être datée de 90 millions d’années, ce qui n’est pas sans nous donner le vertige. Ainsi donc au vu de sa caractéristique aquatique, on la trouve à proximité du fleuve ou encore à l’emplacement d’anciens bras de ce fleuve ou dans des anciennes rivières avec une contenance plus ou moins importante. L’on sait que cette pierre peut être épaisse de 40 mètres, ce qui en fait un vivier important de ressources pour bâtir.

Par ailleurs, sur le Val de Loire, trois types de tuffeau peuvent être observés : le tuffeau blanc qui sera considéré comme le plus prestigieux ; le tuffeau jaune dû à sa plus forte contenance en sable et utilisé pour les habitations et le tuffeau gris qui est fragile et sera moins privilégié.

La pierre de tuffeau est une richesse qui sera utilisée dès la période gallo-romaine et elle sera sans doute exportée.

Dans les années 1950, l’extraction de la pierre est quasiment interrompue mais la filière est « sauvée » par les besoins de matières premières pour les restaurations de bâtiments prestigieux tel le château de Chambord ou l’abbaye de Fontevraud, pour ne citer qu’eux.

 

Le tuffeau et le Val de Loire

Dans le Val de Loire, tout comme dans les autres territoires possédants du tuffeau, la pierre implique trois métiers. 

D’abord, le carrier intervient. Sous l’Ancien Régime, le paysan est relativement pauvre, pour élargir ses revenus, il va extraire du tuffeau. La tâche est extrêmement pénible et des plus dangereuse … Avec les grands chantiers, l’on trouvera des sociétés d’exploitation des carrières mais l’épreuve de son exploitation coûtera bien des vies … 

Le travail de la pierre se poursuit dans les mains du tailleur de pierre. Il doit offrir un élément rectiligne et d’un poids entendu avec l’acheteur ou correspondant aux besoins de ses potentiels clients. Dès lors, on parle de la « pierre de taille », elle est visible sur nombre de bâtiments et même si l’on n’y prête guère d’attention elle est le fruit d’un savoir-faire qui s’est transmis dans une corporation fière d’elle.

Le troisième métier est sans doute le plus reconnu ou du moins le plus mis en avant, celui de sculpteur. Le tuffeau étant une pierre plutôt tendre, elle est facile à travailler et peut donc permettre la création de décors. Les sculpteurs travaillent sur des bas-reliefs, motifs assez simples ; des hauts reliefs, qui racontent une histoire ou du moins présentent souvent des personnages ou des décors floraux et les statues. Nombre d’œuvres des sculpteurs nous sont parvenus dans un état assez exceptionnel et mériteraient d’être observés mais sont souvent placés dans les hauteurs de nos châteaux.

Près de Montrichard, dans le village de Bourré, l’on peut découvrir la Cave des Roches qui fût exploitée dès le XIème siècle. Le lieu est exceptionnel, c’est une ville souterraine qui n’a pas pris une ride. Les 120 kms de galeries ne sont pas toutes ouvragés mais sont un témoignage du savoir-faire des carriers, tailleurs de pierre et des sculpteurs.

Parallèlement, avec les besoins de pierre de tuffeau pour les restaurations de monuments, le secteur se relance partiellement et le savoir-faire en partie oublié peut renaître par la recherche des gestes de ses bâtisseurs de notre Histoire.

 

Le tuffeau et les Châteaux de la Loire

Dans le Val de Loire, le tuffeau est surnommé la « pierre des rois ». En effet, du XIème au XVème siècle des châteaux vont fleurir dans toute la zone du Val de Loire. Détruits ou repensés, ils seront tous rebâtis à la Renaissance en pierre de tuffeau.

Le représentant de la pierre de tuffeau du Val de Loire est sans conteste le château de Chambord. 

En 1519, débute la construction du pavillon de chasse de François Ier. Pour les fondations, l’on privilégie une pierre dure, le calcaire de Beauce, et pour le reste de l’édifice une pierre solide mais tendre à travailler et facile à sculpter : le tuffeau.  Ce géant de pierre nécessitera 220 000 tonnes de pierre de tuffeau. Le choix portera sur du tuffeau blanc, le plus noble, qui sera extrait des carrières voisines de Saint-Aignan, Bourré et Noyers-Belleroche. Par ailleurs, le château se pare de chaleur pour ses escaliers avec l’usage du tuffeau jaune provenant de Cheillé.

Angers, Amboise, Azay-le-Rideau, Saumur, Chinon, Villandry, l’abbaye de Fontevraud ou encore la collégiale de Candes-Saint-Martin possède et implique des bâtiments en pierre de tuffeau. Ces bâtiments sont toujours plantés dans le décor, sont respectés et font partie de la notoriété du Val de Loire. Ces anciens lieux du pouvoir royal font le bonheur des touristes et celui des amateurs de l’Histoire de France, mais ces visiteurs du passé pensent-ils à la pierre lors de leur venue ? ont-ils une pensée pour les petites mains qui ont bâtis ces monuments ?

Lors de vos prochaines visites, je vous invite à vous interroger.