Avant de découvrir cette chronique, nous vous invitons à découvrir la chronique de Pépite : La fondation de l’Abbaye de Fontevraud
Robert d’Abrissel fonde l’Abbaye de Fontevraud et avec elle un ordre strict où les conditions matérielles sont remisées pour se focaliser sur la prière et le salut des âmes. Pendant six siècles, Fontevraud résiste aux régimes et aux guerres. Certains temps sont plus favorables que d’autres mais l’ordre tient jusqu’à l’année 1789 et la révolution française.
La chute de Fontevraud et de son ordre
La fille du Duc d’Épernon, Mme d’Antin devient Abbesse de Fontevraud, le 5 août 1765. Après un Te Deum, la nouvelle Abbesse rejoint le chapitre et prend place sur son siège abbatial, elle tient le chapitre ouvrant de par la même son gouvernement. Des textes sont lus, des Visiteurs des couvents et autres institutions dépendants de Fontevraud sont reçus avec intérêt et chaleur par la nouvelle Abbesse. En présence de Mesdames Victoire et Sophie de France, elle est bénie par l’évêque de Chartres, le premier aumônier de la Reine. L’époque est à la splendeur pour la gardienne et maîtresse de Fontevraud qui jouit d’une autorité incontestée dans le territoire et dont les privilèges sont grands, peut-être trop grand pour l’époque. La nouvelle Abbesse évoque ses premiers temps dans sa fonction en ces termes : « De si beaux commencements annoncent un avenir glorieux. Je me fais un plaisir et un devoir d’en laisser la relation pour les siècles futurs. »
Mais le temps de l’insouciance va bientôt prendre fin.
Deux coups vont sonner le glas pour l’Abbaye : le 4 août 1789, l’Assemblée abolit les Privilèges ; le 2 novembre 1789, les biens du Clergé deviennent propriétés de l’État.
Dès lors, les Commissaires de la République se présentent à l’Abbaye pour en expulser les habitants. Quel drame pour une religieuse de quitter son foyer, de perdre sa position dans la société et de ne pas savoir de quoi demain sera fait.
Alors qu’elles pénètrent dans une société qui n’est pas la leur, la Terreur se dessine : les citoyens veulent se venger de ceux devant qui ils devaient courber l’échine, brisent les autels, mutilent les statues de Rois, de Saints, les morts sont relevés de leur dernière demeure pour aller faire le jeu de citoyens assoiffé de vengeance.
D’un coup la Terreur passe et c’est à nouveau le silence sur l’Abbaye mais non plus le silence des vœux et de la prière mais bien le silence de l’abandon.
De l’ordre de Fontevraud il ne restera plus rien, si ce n’est l’irréductible couvent de Chemillé dont la dernière religieuse mourra en 1854, elle avait fait ses vœux en 1784.
La renaissance de l’Abbaye de Fontevraud
Après quelques années d’obscurité, l’Abbaye de Fontevraud renaît. Mais quelle renaissance que la sienne, par décret du 18 octobre 1804, l’Empereur Napoléon Ier fait de l’Abbaye une prison. Des détenus arrivent de tout le Val de Loire et du Mont-Saint-Michel.
Alfred Normand est l’ingénieur des Ponts et Chaussées à qui est confié l’aménagement des bâtiments pour en faire un lieu propice à l’incarcération. Dès lors l’Abbaye disparaît dans un désordre de bâtiments de détention, on utilise l’existant. La nef va être aménagée de deux niveau de dortoirs et des ateliers pour les détenus, seul le chœur est préservé en devenant la chapelle de la prison.
Une vingtaine de gardes encadrent les prisonniers qui arrivent en 1812. L’espace vient encore une fois à manquer et l’on réaménage la nef pour y mettre plus de monde dont on supprime coupole et autres aspects qui font perdre de la place dans les combles, le cloître se voit élevé, le réfectoire se voit remanié pour y ajouter un étage, …
Tout comme l’Abbaye de Clairvaux, qui connait le même sort, Fontevraud devient l’une des prisons les plus sévères de France, elle recevra jusqu’à deux milles détenus.
L’on est loin du lieu de prière et de spiritualité apaisante, le bruit est présent avec les ateliers de boutons, gants et autres filets.
Malgré tout, Fontevraud demeure, résiste parmi les détenus. L’Abbaye n’est pas oubliée et, en 1840, Prosper Mérimée, alors inspecteur général des monuments historiques inscrit l’ancienne merveille de Robert d’Abrissel sur la liste des monuments historique pour en préserver l’essence.
Même si l’évènement ne semble pas important, il va permettre de libérer progressivement des bâtiments : le cloître en 1860, le réfectoire en 1882, la tour et l’Église au début du XXème siècle.
Il faut attendre 1963 pour que la prison ferme et qu’enfin l’Abbaye puisse soufflée et se sentir libérée et sauvée. Elle accueillera encore des jeunes citoyens en service militaire qui apporteront leur pierre à l’édifice.
L’Abbaye est trop vaste pour à nouveau accueillir une communauté religieuse, il faut donc lui trouver une autre vocation et ce sera un lieu de culture.
En 2020, Fontevraud se dote d’une musée accueillant 800 œuvres léguées par Martine et Léon Cligman.
Si depuis 1789, la survie de Fontevraud s’en est fallu de peu. Il aura fallu une poignée de personnes prêt à protéger l’un des éléments les plus importants du patrimoine français et vecteur du rayonnement du Val de Loire.
Chronique écrite par Pépite 1991
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