1941. Chaïm Soutine, peintre juif d’origine biélorusse, et sa compagne Marie-Berthe Aurenche viennent d’être dénoncés. Ils doivent fuir Paris. Le maire de la ville de Richelieu, Fernand Moulin, accepte de les recueillir et d’établir de fausse cartes d’identité. Il les installe à Champigny-sur-Veude, entre Richelieu et Chinon. Mais le couple se fait renvoyer de toutes les auberges des environs ; les disputes entre les deux amants sont incessantes et il semble qu’ils soient d’une malpropreté effarant ! Quoi qu’il en soit, au printemps 42, ils trouvent enfin un abri dans la maison du garde-champêtre Varvou.
Dans cette campagne chinonaise, Soutine retrouve le goût de peindre, surtout des arbres et des enfants. Il fait la rencontre du petit Marcel Varvou qui servira de modèle à L’écolier Bleu ou encore Christiane, inspiratrice de La jeune femme à la barrière. Au départ, les enfants ont peur de cet homme rustre. Puis peu à peu ils s’apprivoisent… Tous les enfants, chez Soutine, même lorsqu’ils sont accompagnés, sont seuls. Dans Mère et enfant, les deux sujets sont pourtant dans un rapport tactile, assis l’un sur l’autre, mais l’enfant est maladroitement tenu par une mère embarrassée par sa progéniture dont elle ne sait que faire. Chez la mère, la désolation semble immense ; mère et fille s’échappent l’une l’autre.
La même torpeur prend à la gorge lorsque l’on observe ses paysages. Plus que menaçante, la nature, chez Soutine est comme habitée par des présences fantomatiques animées par une vitalité nerveuse.
En juillet 1942, l'Ambassade d'Allemagne à Paris se mettait à la recherche de Soutine et de ses œuvres. Si bien qu'un jour, un policier du village présente un document à Marie-Berthe sur lequel Soutine doit certifier qu’il n’est pas juif. De rage, elle le déchire.
Bientôt, l’ulcère à l’estomac de Soutine s’aggrave. Au début de l'été 43, il n’absorbe plus que du lait, et se traîne le long des chemins appuyé sur une canne, cherchant toujours, malgré tout, des sujets à peindre. Le 31 juillet, il doit être hospitalisé. Avant d’être transporté, il se rend à son atelier et brûle ses toiles. À l’hôpital de Chinon, son état est jugé critique. Il faut l’opérer de toute urgence. Marie-Berthe s'y refuse, prétextant l'incompétence d'un médecin provincial. On le dirige alors vers une clinique parisienne. Les contrôles de la France occupée doivent être évités ; le voyage se révèle plus long que prévu. Opéré le 7 août d’un ulcère perforé, Soutine meurt deux jours plus tard.
Il est inhumé le 11 août au cimetière du Montparnasse. À peine une dizaine de personnes seront présentes à son enterrement dont Pablo Picasso et Jean Cocteau. Dix-sept ans plus tard, en 1960, Marie-Berthe se suicide et est enterrée à son côté…
Chronique écrite par Muses de l'Hart